Virginie Razzano : « Le tennis est mon sang »
Tournoi phare du circuit mondial, Roland-Garros tiendra en haleine les amateurs de tennis du 22 mai au 10 juin. La Dijonnaise Virginie Razzano se confie sur sa carrière, ses ambitions à Paris et son objectif olympique.
LA GAZETTE : Vous sortez d’une longue période de convalescence. Pour commencer, peut-on faire un point santé ?
VIRGINIE RAZZANO : Je m’étais blessée à la hanche à Indian Wells. J’ai certainement repris trop tôt pour participer à la Fed Cup (victoire 5-0 contre la Slovénie fin avril), mais je me suis sacrifiée pour mon pays. Nous sommes parvenus à ne pas chuter en Division 3 avec l’équipe de France, et j’espère que nous parviendrons à remonter au plus vite dans le groupe mondial. Personnellement, j’ai été pénalisée car j’ai dû déclarer forfait pour plusieurs tournois. Je vais reprendre la compétition au tournoi de Prague le 14 mai prochain.
Vous êtes née à Dijon. Quels sont vos rapports avec cette ville ?
J’adore cette ville. Je n’ai pas énormément de souvenirs car je suis partie à Nîmes à l’âge de six ans. Je reviens parfois aux sources pour voir ma famille. Je suis née à Dijon mais je me considère comme nîmoise car c’est là-bas que j’ai grandi.
Dans quelques semaines, le tournoi de Roland-Garros va rythmer l’actualité sportive en France. Reste-t-il le tournoi phare du circuit WTA et ATP ?
Pour les joueurs français, Roland-Garros, c’est hyper important. Personnellement, je me sens soutenue par le public français, je suis comme à la maison. J’ai toujours envie de bien faire à Paris et d’atteindre au minimum la deuxième semaine du tournoi. C’est une opportunité de briller à domicile. Pour les étrangers, ça représente également quelque chose de particulier car il y a une vraie histoire. Participer à Roland-Garros, à Paris, c’est précieux.
Comment expliquez-vous que les joueurs français ont du mal à s’illustrer devant leur public ?
Je pense qu’ils sont envahis par la pression médiatique du tournoi. Personnellement, cette pression est positive. Je m’en sers pour vraiment m’épanouir. J’ai envie de bien faire, d’aller le plus loin possible, en sachant que j’en ai de plus en plus les capacités. Avant je détestais la terre battue car je n’ai pas un jeu qui convient à cette surface. En 2009, j’ai atteint les huitièmes de finale car je m’étais bien préparée en amont. Je m’étais faite de la terre battue une amie.
Et la terre battue bleue, qu’en pensez-vous (une polémique est née à Madrid sur l’abandon de la terre rouge) ?
Je ne peux malheureusement pas juger car je n’ai pas eu l’occasion de jouer le tournoi de Madrid. Mais je trouve que c’est bien dommage de ne pas rester sur une terre battue habituelle. Peut-être que les spectateurs voient mieux la balle, mais les joueurs ne peuvent pas avoir les mêmes repères. Je ne comprends pas la logique de ce changement. Les joueurs doivent être frustrés.
Vous avez remporté l’Open d’Australie et Roland-Garros sur le circuit junior en 1999 et 2000. Que vous-a-t-il manqué pour confirmer par la suite ?
J’ai eu des complications dans ma vie personnelle depuis mon adolescence et par la suite. J’ai eu des obstacles à franchir. Chez les juniors, j’ai fini numéro deux mondial. L’année d’avant, c’était Amélie Mauresmo et j’ai été un peu dans son ombre. Après, je n’ai pas pu poursuivre sur ma lancée. J’ai ensuite pu rebondir mais j’ai perdu deux ou trois années en raison d’un passage à vide où j’ai dû me reconstruire. J’ai quand même battu quelques Top 10 depuis le début de ma carrière. Et j’ai été 16e mondiale en 2009. Ce n’est pas rien.
Après Bartoli, 7e mondiale, c’est le désert. En Fed Cup, la France est pour la première fois tombée en deuxième division… Le tennis féminin français est-il en crise ?
En Fed Cup, on débute avec une nouvelle génération de jeunes joueuses. Je suis un peu le leader de l’équipe de par mon expérience et mon vécu en Fed Cup (9 victoires, 3 défaites en simple). Cette jeunesse, c’est aussi bon pour l’avenir. On se bat pour l’équipe de France et nous sommes parvenues à nous maintenir en Division 2. Pour le moment, nous manquons de maturité et d’expérience pour aller plus haut. On ne peut pas demander aux jeunes joueuses d’aller plus vite que la musique. Et en parlant de Marion Bartoli, elle ne veut pas venir en équipe de France car elle a un fonctionnement particulier ne concordant pas avec le règlement de la sélection. Je pense que ce n’est ni à nous, ni à la Fédération de nous plier à ses exigences. C’est à elle d’avoir un état d’esprit d’équipe et de s’adapter à un règlement qui ne l’emprisonnera pas…
Comment jugez-vous l’évolution du tennis professionnel et ce star system qui s’installe ?
Il y a quelques années en arrière, on remarquait plus le côté sportif. Et il y a eu Anna Kournikova. En plus de débuts prometteurs, elle donnait une belle image d’elle esthétiquement. Elle n’a pas réalisé une grande carrière, mais on l’a remarquée pour sa beauté. Aujourd’hui, quand une jeune joueuse, charmante, commence à faire des résultats, on va la porter sur un piédestal, en faire une star. C’est dommage d’aller aussi vite, car tout peut s’arrêter très vite. Certaines n’ont plus la tête sur les épaules et les résultats chutent. Désormais, les joueuses se maquillent de plus en plus avant de jouer. Car le côté marketing a son importance.
Et vous-même, avez-vous changé vos habitudes ?
Il faut savoir s’en servir. Je suis plus dans les résultats, mais j’essaye de me mettre à la page. Je suis plus ouverte médiatiquement pour des interviews, des séances photos, pour tout ce qui est marketing. Si on ne se met pas à la page, on reste en recul. Il faut avancer comme les médias et notre sport avancent.
Se fait-on beaucoup d’amis sur le circuit professionnel ?
C’est un milieu qui est assez fermé. Nous sommes toutes en rivalité, c’est donc le boulot qui prime. On peut difficilement se faire des amies. J’ai lié amitié avec Anne Kremer, une joueuse luxembourgeoise. Mais c’est rarissime.
Plusieurs athlètes bourguignons vont participer aux Jeux olympiques de Londres. Pouvez-vous encore y figurer ?
Les J.O, ça se mérite. Il faudra que je sois dans les 64 meilleures joueuses mondiales avant le 11 juin (actuellement 112e). Je mériterais d’aller à Londres par rapport à mon investissement en Fed Cup. J’ai perdu des points en me sacrifiant, et il ne me reste que trois tournois pour parvenir à me qualifier. C’est toujours jouable, mais il ne va pas falloir que je chôme ! À Roland-Garros, il y aura beaucoup de points à prendre. Si je joue bien et que le tirage au sort m’est favorable… Je n’ai pas dit mon dernier mot. Je vais me battre, mais sans me mettre la pression.
Jusqu’à quel âge comptez-vous poursuivre votre carrière ? Songe-t-on déjà à sa reconversion à 29 ans (elle les fêtera le 12 mai) ?
On y pense un peu. Je compte jouer au tennis pendant quatre ou cinq ans si mon corps me le permet. J’ai encore quelques belles années devant moi pour accomplir mes objectifs. Si je ne vais pas à Londres, pourquoi pas le Brésil dans quatre ans ? Pour ma reconversion, je me vois bien rester dans le milieu du sport. J’ai toujours dit que le tennis était mon sang. J’aimerais transmettre et partager mon savoir dans ce milieu.
Et donc, ce ne sera pas dans l’humour avec Christian Legal (Jean-Claude Razzano son oncle) sur les planches ?
Je ne voudrais pas être ridicule à ses côtés. Il a bien plus de talent que moi ! Humoriste, je ne suis pas sûr que ce soit vraiment mon dada !